mercredi 27 avril 2011

L'Arche de Ploutos


Alors que l'humanité, le monde, les différents systèmes, s'engouffrent doucement dans un véritable chaos sans renom, il existe parallèlement, une tendance commerciale grossièrement insolite, qui pousse des personnes à se regrouper dans des habitations hautement paranoïaques. Compounds, gated communities, peu importe la dénomination, ces complexes comprennent une centaine de maisons, ou plus précisément des villas vidéo-surveillées et gardées par des compagnies de surveillance privées. Restaurants, centres de shopping, salles de musculation, cours de tennis, piscines, et tant d'autres facilités -de luxe si j'ose dire- y sont intégrés, afin de créer l'illusion d'un village.
Un village dénué d'âme, car dépourvu d'histoire. Pas d'industries, de pollution, d'ouvriers, de mendiants. Un village dépourvu de souffrance et donc privé de vie. Seul son squelette s'avère solide, conçu par des architectes, financé par un organisme immobilier robuste, le tout, couronné par une propagande prétextant le paradis. Celui d'une élite loin de la cadence de la réalité, loin de ce que coûte le fait de vivre dans une société d'ultra-consommation, c'est à dire la misère, suivie de la violence.



La construction de ces regroupements de foyers sévèrement surveillés progresse certes doucement, mais certainement. La paranoïa sécuritaire également. Bien plus efficace que la menace de l'anthrax ou de la grippe A, la menace sécuritaire d'ordre urbain et civil touche à nos peurs les plus instinctives et primitives. 

 
Et l'imbécilité va hélas bien plus loin. Après la crainte du cambrioleur et du pédophile, voici la nouvelle menace à la tranquillité publique -ou dirai-je "intra-villas"-: l'immigré. C'est une publicité italienne, concernant un complexe de 146 maisons appelé Ferme de Vioni, situé à Basiglio, qui illustre bien ce dilemme (cf. article complet). La publicité en question soutient qu'en ville, par opposition à la ferme, "il faut supporter la circulation, la pollution, l'agressivité, la violence, sans compter les personnes d'origines et de moeurs différentes". Elle rajoute en surplus qu'à la ferme "les résidents seront issus de mêmes milieux sociaux et professionnels". Ces "quartiers d'élite" pullulent. Il en existe désormais à Londres, à Riyad (Arabie Saoudite), et surtout aux Etats-Unis, où un habitant sur huit exhibe de manière ostentatoire sa superficielle American way of life. D'autres pays suivent une même sorte d'orientation, en érigeant des clubs de golf et autres complexes réunissant hommes fortunés, barricadés et sous protection policière, voire militaire. C'est le cas , par exemple, d'un club de golf limitrophe d'une favela à Rio de Janeiro au Brésil, barricadée et sous protection de la police militaire.


A l'apogée de l'ère des promesses d'un monde meilleur qui serait pourvu par une relance de la consommation -"pacifisation" artificielle d'un monde libéralisé sous perfusion- la misère se fait plus lourde, et la "ghettoïsation" de l'élite financière pullule. Les PIB croissent alors que les IDH révèlent rauquement aux oreilles de sourds la véritable cadence: celle de la paupérisation de l'humanité. 


Sauf que le jour où le chaos aura pris l'ampleur de l'insupportable, et que la misère grouillera jusqu'aux portes de ces compounds, les armes et les barricades suffiront-elles à taire la grogne populaire ?

Elimina Kirsch

3 commentaires:

Thomas a dit…

-http://fr.wikipedia.org/wiki/Masdar
http://www.masdar.ae/en/home/index.

Un super projet, mais qui risque de finir dans le même ordre d'idée , Les loyers risquent d'être beaucoup trop cher pour un habitant a faible revenue , et la sécurité risque d'être poussé !

Anonyme a dit…

Je trouve ton article tres bien mais pense qu'il faut faire une difference entre les compounds dans les pays musulmans ou la vie pour un etranger non musulman est tres difficile (par ex. Riyad, Arabie Saoudite). Je comprends fort bien que "l'etranger" se sent plus en securite, et plus a l'aise entoure des "siens".
Je pense donc que tous les compounds n'ont pas le meme but, ou le meme sens si l on peut dire.

Vigilance Informative a dit…

En effet tu soulignes un point intéressant concernant les compounds dans certains pays musulmans. Il serait plus correct de parler des théocraties et non pas des pays musulmans, car en Arabie Saoudite, ces compounds s'avèrent plus "confortables" pour les expatriés étant donné qu'ils leur permettent d'échapper aux moeurs (wahabistes pour l'Arabie par exemple) qui leurs sont imposées en dépit de leurs croyances (comme par exemple porter l'abaya pour les non-musulmanes). De tels compounds sont inutiles dans d'autres pays fortement peuplés de musulmans comme la Tunisie ou l'Algérie par exemple car on peut y vivre librement quelque soit notre confession ou absence de confession. Et finalement, même dans un tel contexte (vivre dans une théocratie), les compounds à Riyad restent réservés à ceux qui ont les moyens, c'est à dire que les pauvres expatriés non-musulmans sont obligés de vivre de manière opprimée alors que les riches se barricadent dans une espèce d'oasis fuyant quelque peu les lourdes moeurs et encore, pas toutes, car les femmes n'y ont toujours pas le droit de conduire,y compris dans les compounds.